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Matins salés

12 Jan

Rien n’est plus doux au matin que le sel. Je ne suis pas de celles qui, ouvrant leurs volets, imaginent la rosée comme de petites gouttes sucrées ou qui, dans la brume du réveil, rêvent d’un paysage en pain d’épice et sucre candy.
Il semblerait qu’à ce sujet je sois née dans le mauvais pays. Nez à nez avec un croissant, la lassitude me guette. Les frères Jacques m’ont trop de fois répété que la confiture ça dégouline par tous les trous de la tartine. Et ne me parlez pas de céréales au chocolat.
Pourquoi commencer la journée avec si peu de subtilité.

De retour de mon voyage au Vietnam, l’un des principaux sujets de ma nostalgie a été le petit déjeuner. Là-bas, on ne parle pas de l’importance de prendre un vrai repas le matin, on le fait.
A chaque coin de rue, une soupe mijote dans une marmite et attend que vous l’avaliez assis sur une chaise en plastique pour lilliputiens.
Au réveil, vous n’avez pas bu de toute la nuit et s’hydrater avec un bon bouillon est une évidence telle qu’on se demande pourquoi on ne l’a pas fait toute sa vie.
Le Phở (prononcez à peu près « feu ») est une soupe toute en relief d’épices et d’herbes. De fines tranches de bœuf cuisent directement dans le liquide chaud, rejoignant les morceaux plus épais qui se sont détendus pendant des heures au-dessus du feu, ainsi que de goûteuses boulettes. Le Vietnam fait partie de ces pays qui mélangent allégrement différentes formes et types de viande dans un même plat. Une fois que votre cerveau a accepté la possibilité, cette approche décomplexée vous ouvre des horizons infinis. Des nouilles de riz sont également plongées dans le mélange et il ne vous reste plus qu’à piocher sur la table pour ajouter une giclée de citron vert, des piments rouges, des germes de soja, de la coriandre, du basilic thaï…
Il m’a réellement semblé que ma vie était foutue (concernant le petit déjeuner j’entends, mais un peu de mélodrame ne fait pas de mal) tant que je n’aurai pas trouvé une solution pour que cela soit mon quotidien matinal en France.

Heureusement, d’autres obsessions culinaires sont possibles pour oublier celle-ci.
Comme le petit déjeuner anglais pour lequel on a le droit de commander et des oeufs et du bacon et des baked beans et des saucisses et des tomates cuites et des galettes de pomme de terre et du boudin noir. Et se resservir.
Ou mettez moi sur un tabouret espagnol, devant un comptoir au coin d’un marché et servez-moi un petit sandwich au jambon ou une part de tortilla avec un café bien noir.
Et les manaiches du Liban déroulent leur douceur dans ma mémoire. Ces galettes, recouvertes de zaatar, mélange d’huile d’olive, de thym, de sésame et de sumac pour la touche acide, vous ouvrent une fenêtre sur le pays avant même que vous ayez les yeux grands ouverts.

Il est bien possible en France de trouver des ersatz de ces petits déjeuners ou de se tartiner du fromage sur un morceau de pain en surveillant la cuisson des œufs d’un œil endormi, mais en ce milieu de week-end je vous propose une autre solution : se lever à midi pour commencer la journée avec le déjeuner.